Intervieuw OUIHMAN

Nous ne sommes pas responsable des réponses des personnalités interrogées.
La publication de leurs réponses ne veut dire en aucun cas que nous partageons les mêmes avis.

Notre invité pour ce mois est le grand poéte MR OUIHMAN

                 D'emblée, je tiens à réitérer à l'administrateur de ce site et à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin, mes chaleureux remerciements pour leur esprit d'initiative et de créativité qui ont donné naissance à cette plate forme qui est irréfutablement un canal efficace de communication entre les « Ait Daoud ou Ali » et je souhaite de tout cœur que ce site soit exploité dans le bon sens avec une grande maturité pour l'atteinte de l'objectif ciblé, qui n'est d'ailleurs autre que l'échange fructueuse des idées au sujet de l'arsenal qui peut favoriser le développement de notre bourg et l'épanouissement de notre pauvre population qui est ignorée, opprimée et marginalisée au dernier rang pendant de longues années d'amertume.

Question n° 1 :  Pour la 2ème et la 3ème génération, voulez-vous donner une présentation de M. Ali OUIHMAN ?

Réponse : En bref, je m'appelle Ali OUIHMAN, je suis né le 16-04-1955 au Douar Ait Hmad à Taguelft . J'ai fais mes études primaires à l'école centrale de Taguelft puis j'ai accompli celles du premier cycle au collège Moha ou Hammou à Béni-Mellal, celles de la 5ème année secondaire (le tronc commun à l'époque) qui est à nos jours équivalent à la première année du BAC, au lycée Hassan II, puis j'étais réorienté en Sciences Maths au lycée Ibn Sina à Béni-Mellal et j'ai regagné ensuite Rabat où j'ai étudié à l'INSEA(Institut National des Statistiques et de l'Economie Appliquée) . A l'issue de ce cycle, j'ai embrassé le monde actif en étant recruté par l'ONE qui m'a fait bénéficier d'une formation diplômante à IHEM(Institut des Hautes Etudes Management) à Casablanca et j'exerce actuellement pour le compte de cet Office en qualité de cadre commercial et Marketing à l'Agence de Services de Kénitra après avoir exercé auparavant plusieurs fonctions dont notamment, Achats et logistiques, gestion des stocks, inspection des moyens généraux, Ressources Humaines, Etudes et Analyses .

Pour l'état matrimonial, je suis bien entendu marié à une femme qui m'est proche et qui est également native du même douar . Je suis père de trois enfants qui  parlent  Tamazight à des degrés de performance plus ou moins différents et qui poursuivront leurs études universitaires à l'exercice 2008-2009 comme suit :

-          Tarik qui est l'ainé : en 3ème année doctorale, option « Marketing et Stratégie »

-          Mehdi, le second  : en 2ème année doctorale, option « Protection de l'environnement ».

-          Mouna, la benjamine : en 3ème année de Maîtrise, option « Finances » 

 

Question n° 2 : Vous gérez vos affaires à Rabat, mais nous savons que votre cœur est avec Taguelft, et les gens de Taguelft savent que vos visites au village sont fréquentes et régulières . Pourquoi cet attachement ?

 

       Réponse : D'emblée, permettez-moi de rectifier et de préciser que je ne gère pas d'affaires à Rabat comme prétendu et que mon activité professionnelle est d'ailleurs détaillée dans la réponse à la première question . En ce qui concerne la constatation des gens de chez nous, je tiens à préciser qu'effectivement je m'attache énormément et indéniablement à Taguelft et j'estime que c'est un devoir et que chacun d'entre nous doit manifester la même attitude à l'égard de ses racines et doit rivaliser d'empressement pour s'y rendre fréquemment, du moins par esprit de piété filiale . En toute sincérité, je maudis les circonstances du travail qui me ligotent par les robustes cordes et qui m'empêchent de s'y rendre fréquemment et d'y rester longtemps comme fort désiré . Mais nonobstant cet obstacle d'éloignement et les contraintes socioprofessionnelles évoquées, Taguelft est toujours dans mon cœur et j'ai constamment gardé l'œil au village et j'œuvre inlassablement à ma façon pour dénoncer les irrégularité, pour tenter de pallier les dysfonctionnements et pour encourager la constitution d'un rempart contre les abus et les dérapages.   D'ailleurs, j'estime que lorsqu'on est porteur d'un idéal démocratique, du moins à l'intérieur de soi-même, on doit chercher à mettre fin aux agissements fâcheux, à l'indignation et à tout pouvoir autiste qui n'est pas à l'écoute des pauvres citoyens . En effet, cette pratique est à mon sens un devoir sacré et que chacun d'entre nous, doit normalement agir à partir de sa tanière, pour engager ou du moins pour soutenir toute démarche qui œuvre pour le développement du village et notamment pour l'épanouissement et la prospérité des « Ait Daoud ou Ali ».

 

Question n° 3 : Vous êtes parmi les grands poètes de Ait Soukhman, pouvez vous alors :

-          nous parlez de votre parcours?

-          nous préciser quand est-ce que vous avez su que vous vouliez devenir poète?

 

Réponse : Grand poète, je ne crois pas, et il me semble que le mot est trop fort . En ce qui concerne le parcours poétique, je tiens à souligner que depuis un âge très bas, j'étais très attiré par la poésie et la musique berbère . Depuis cet âge je fredonnais souvent sans se rendre compte tout en trouvant un vif plaisir mais ce n'est que lorsque j'étais au lycée que je composais les poèmes avec un intérêt sans égal..

Il n'est pas toutefois sans importance de préciser que mon père et mon grand- père maternel étaient des poètes talentueux et j'étais intérieurement trop marqué par la force et la qualité de leurs poèmes . Il est toutefois à noter que mon père a crédulement abandonné si tôt la poésie sur influence de  « Igourramn » et plus précisément des Chorfa de Askar qui l'ont convaincu que la poésie est prohibée par l'islam et c'est ainsi qu'un trésor culturel est inhumé sans raison valable !!! .

 

Question n° 4 : Quels sont vos poètes exemplaires ou autrement dit, qu'elles sont les pensées poétiques qui ont influencé la vôtre ?

 

Réponse : Les poètes qui m'ont beaucoup marqué sont nombreux et je cite entre autres :

-          Feu Moula N'Zinba Haddou de Ifennach

-          Feu Aouray Khélla ou Mazian et sa mère Berri M'Ha de Ait Hmad

-          Feu Said ou Gâli et feu Ajermoun de Ait Lkhoums

-          Lhou N'Tamghart et Khella ou Bennasser de Ait Tamajjout

-          Feu Zahiri Rhou, Ounna3na3 et Mohamed ou Hssain(Outakhbacht) auquel je souhaite un prompt rétablissement de la santé qui l'a obligé à s'éclipser.

     La liste est longue et je m'excuse auprès de ceux que je n'ai pas pu citer car les poètes de Ait Soukhman se distinguent tous par la force du verbe et la philosophie poétique . Quant aux poètes de l'autre rivage, je suis également trop marqué par feu Sakou de Guelmima, par Lessieur de Ait Hdiddou, par Inchchaden de Ait youssi dont l'accent est semblable à celui des Ait Soukhman et par ceux de Guerwan et en fin, par le vétéran Bouazza N'Moussa de Khénifra .

 

Question n° 5 : Pourrais–tu de ton point de vue, nous définir le style de poésie que tu composes?

Réponse : A l'instar de tous les poètes imazighene, je compose tous les styles, dont entre autres, izli n'ouhidous, izli afrradi aghzzaf d'ougzzal, amsarrah, tighouniwine, tayffart, tamawayt etc… En outre, je compose également les chansons . D'ailleurs, nombreuses sont celles qui ont été chantées en milieu privé et qui ont été véhiculées pour être surpris de les voir en fin de compte enregistrées par des stars pour leur compte . Il est à noter à ce sujet que cela ne me dérange pas et qu'au contraire, ça me rassure de la valeur de mon œuvre. 

Toutefois et tant que nous y sommes, permettez-moi de profiter de cette occasion pour demander à l'administrateur du site d'ajouter une fenêtre pour "Timawayine" afin d'en faire un recueil par souci de sauvegarde et de mise à disposition des intéressés pour usage éventuel à des fins de toutes natures. Je suggère également d'ajouter une autre fenêtre pour les "condoléances" afin de permettre aux visiteurs du site, notamment les lointains et surtout ceux d'au delà de la mer, d'être informés sur le champ de tout décès chez nous et d'en présenter à travers ce site leurs vives condoléances aux familles du défunt . Par la même occasion, je demande à tous les intellectuels du bled notamment les jeunes, de participer activement pour enrichir ce site qui doit être exploité avec un degré élevé de maturité et de conscience étant donné qu'il est en un mot, le miroir qui reflète notre image et l'unique canal de communication mis actuellement à notre disposition, qui revêt un caractère capital sur le plan de l'information et de l'échange d'idées .

 

Question n° 6 : Plus largement, cette activité, quel est son lien et son sens avec le monde?

      Réponse : Comme il est de notoriété publique, la poésie berbère a un lien très étroit avec le monde intérieur et extérieur . En termes significatifs, j'estime que le poète est semblable à un caméléon dont la peau change de couleur pour refléter à chaque fois celle de son environnement . Je veux dire que le poète expose et résume par de simples vers souvent très philosophiques, la réalité de son entourage sur tous les plans . 

  

Question n° 7 : Que cherchez vous à dire à travers vos poèmes et est-ce que vous avez une mission envers la société?

 Réponse : Comme tout poète et tout être démocrate, je cherche par ma modeste poésie à exprimer et à rendre publique le climat de déception et de démobilisation du peuple Amazighe dont font partie intégrante les "Ait Daoud ou Ali", qui ont attendu indéfiniment des réformes qui tardent à voir le jour . Il est toutefois à noter que ma mission cardinale envers la société, est de participer activement par le biais de la poésie qui est véhiculée par conviction abstraite et par amour inné d'une façon extraordinaire, afin de tenter d'éveiller la conscience de notre population pour s'insurger violemment contre les faméliques coloniaux qui détiennent les clés du salut, qui continuent injustement à estropier l'usage de notre langue et qui ont pratiqué les marginalisations économiques et sociales et le mépris aux régions Amazighes qui en sont l'objet de la part d'un pouvoir qui n'hésite pas à octroyer des milliards aux "frères palestiniens, libanais, irakiens et autres" alors qu'il n'a jamais songé à venir en aide à ses propres citoyens Amazighe des régions en détresse !!!   .

     

Question n° 8 : Avez-vous des recueils ? des projets pour sauvegarder notre patrimoine oral?

 

Réponse :  Oui je dispose d'un modeste recueil mais malgré mon souci et étant donné que le manque de moyens est un ennemi bien perfide de notre peuple Amazighe, j'ai la ferme conviction que je ne peux en aucun cas concrétiser de projets importants dans l'avenir par mes propres moyens pour la sauvegarde de notre patrimoine oral, ce qui est d'ailleurs le souci et l'handicape de tout Amazighe qui se respecte, qui est fidèle à ses principes et qui consacre sa vie à défendre notre sacrée cause . Il est à signaler que l'Institut Tarik Bou Ziad m'a fait une proposition par l'intermédiaire d'un membre de la famille pour faire des enregistrements de ma poésie, mais en toute sincérité, je ne veux pas que mes réalisations soient à but lucratif, d'autant plus que j'ai une position envers les activité de cet institut qui a d'ailleurs fait perdre au Moussem d'Imi Lchil son identité traditionnelle . Par ailleurs, j'estime que ce travail colossal qui consiste à la sauvegarde de notre patrimoine oral, relève des attributions de l'IRCAM (Institut Royal de Culture Amazighe) qui ne remplit pas dans les règles de l'art sa noble mission et qui prête malheureusement main forte aux fossoyeurs de notre identité qui se retrouvent, par un simple raccroc, impliqués dans des décisions qui enfoncent le présent et l'avenir de notre langue et de notre peuple dans le bourbier du desespoir. D'ailleurs, il n'est pas sans importance de signaler à titre indicatif que depuis la démission historique par fidélité aux principes, des sept membres du conseil d'administration de l'IRCAM, qu'on appelle avec fierté et satisfaction énorme en milieu Amazighe bien informé et conscient de l'ampleur de cet acte, de : « Sab3atou Rijal de l'IRCAM », l'activité de l'IRCAM est à mon avis inopérante . Il convient toutefois de noter qu'après la démission de ces sept hommes appartenant au Centre et au Rif , il ne reste à l'IRCAM en majorité écrasante que les Soucis qui ne se font pas de soucis pour la cause sacrée et qui ne songent qu'à thésauriser davantage . Il est également salutaire de préciser à ceux qui ne le savent pas, que ces sept hommes ont démissionné pour dénoncer une dérive qui risque d'être fatale à l'amazighité et pour protester énergiquement contre l'attitude négative du Gouvernement qui ne concrétise pas les propositions de l'IRCAM en passant ainsi outre aux hautes directives Royales promulguées au discours prononcé à Ajdir qui constitue pourtant un tournant décisif dans l'histoire de ce pays soi disant d'ouverture et de tolérance et dont la constitution garantie le libre exercice de cultes   . 

 

 

Question n° 9 :Pourquoi ce long silence ?(on dirait que vous étiez dans une situation d'engourdissement, d'ailleurs votre patronymique n'est pas loin de la chose politique de la région)

 

 Réponse : Je ne sais pas s'il s'agit d'un engourdissement de ma part ou plutôt, d'une surdi-mutité d'autrui ? En tout cas, je ne vois pas de long silence comme prétendu et j'estime que ma présence est  permanente sur le terrain en dépit des contraintes socioprofessionnelles, mais le manque de moyens de communication est peut être à l'origine de cette constatation ou plutôt, de cette qualification blessante dans l'amour propre, qui m'est infligée gratuitement . En tout cas, je ne crois pas inopportun de rappeler qu'à la veille de chaque campagne électorale, j'éditais une cassette de poésie ayant pour objectif de sensibiliser la population et que la dernière a été bien appréciée et bien véhiculée au point qu'un Caïd avait intervenu par son agissement totalitaire pour interdire son usage et sa duplication en fac-similés . D'ailleurs, j'ai la ferme conviction que ce site permettra de combler la carence enregistrée chez nous en matière de communication et permettez-moi à propos de l'engourdissement qui m'est reproché de chanter dans le cadre de cette constatation en disant :

Awa guigh tine oudarghal n'ddoud ansal adardour *** ourtannaygh ouriyfri jm3ad is ghifi tarou

Quant à mon patronyme qui n'est pas loin de la chose politique de la région, qui m'est reproché, je tiens à souligner que cette qualification n'est pas fondée car, mon patronyme et mon matronyme sont loins de cette source et que la réalité sur le tas étayera cette vérité éclatante qui ne peut nullement être travestie .  

 

Question n° 10 :   

            a) On sait que votre famille est active dans le domaine politique, qu'elle est alors votre position ?

            

Réponse à la question (a) : C'est vrai que mon entourage familial est actif en matière de  politique mais comme on dit usuellement chez nous, chaque brebis est suspendue par sa patte . En effet, s'il est vrai que ce milieu familial est actif, cela ne veut pas dire automatiquement que je suis également contaminé par cette maladie des derniers temps et j'estime qu'il serait injuste de me taxer à partir de cette approche, de cette qualification pour être contrairement à la réalité, victime de ce lien familial . Autrement dit, est-t-il raisonnable de qualifier quelqu'un de juif par ce que son voisin, je ne sais pas par quel malheur, est un juif ? . En tout cas, je tiens à préciser que je suis « apolitique », que je ne suis inscrit nulle part aux registres des listes électorales, que je ne vote pas aux élections et que je n'adhère à aucun partis politique . D'ailleurs je ne vous cache pas que je déteste tous ces partis qui sont d'ailleurs mal partis étant donné qu'à mon sens, ces derniers sont des mercenaires qui  remplissent en qualité d'acteurs préfabriqués, un rôle bien précis qui leur est prescrit par le Makhzen dans la pièce théâtrale principale à laquelle le citoyen est acculé à en être un spectateur naïf qui ne se soucie guère de la qualité ni du contenu . En outre, il est incontestable qu'ils ne remplissent pas leur mission en matière d'encadrement et de sensibilisation . En termes récapitulatifs plus clairs, c'est un milieu qui ne connaît malheureusement point aux mœurs, à l'éthique et aux principes de base, auquel je ne me mêlerais jamais par principe et par conviction . 

 

       b) Est-ce que vous êtes plus heureux maintenant que d'intégrer un domaine plein de …

 

   Réponse à la question (b) : Plein de quoi ? Pourquoi vous n'avez pas terminé la phrase ? Voulez-vous dire, plein de pourriture, d'hypocrisie, de perfidie, de mythomanie, de cleptomanie, de corruption, de détournement, de vol, de dictature, de répression, de l'oppression, de torture, de népotisme, de dépravation, de clientélisme, de massacre, de marginalisation et la liste est encore assez longue et ne peut en aucun cas être exhaustive, dans ce pays qui prétend pourtant être démocratique et à l'apogée du respect des droits de l'homme !!! ... ? . En tout cas, je vous souligne ouvertement que je suis bien dans ma peau et bien heureux à la rive où je me trouve et que je m'attache profondément et fermement à mes principes qui me mettent d'ailleurs souvent en désaccord presque permanent avec le milieu familial à l'autre rivage …

 

       Question n° 11 :   Notre cher village est béni par Dieu mais oublié par ses hommes. Autrement dit, est-ce que les intellectuels dont vous faites partie sont responsables de la situation dont se trouvent nos bourgades ? qu'en pensez-vous ?

 Réponse : A mon avis, notre cher village Taguelft et toutes les bourgades de la régions ne sont pas bénis par Dieu comme prétendu, ne bénéficient pas de la  protection spéciale du ciel et sont effectivement et comme avancé oubliés de façon notoire par leurs hommes, notamment, par les intellectuels qui font la chaise vide, qui sont malheureusement passifs, qui laissent courir les choses et qui ne se font pas entendre à tue-tête dans la société à travers divers canaux pour défendre consciencieusement, comme cela leur incombe d'ailleurs, la cause sacrée des leurs qui sont injustement pris au piège dans le cycle vicieux de la gueuserie inouïe, de la marginalisation inédite et qui sont acculés sans raison valable et par méchanceté aveugle du Makhzen, à vivre des disettes et des crises pécuniaires énormes . En un mot s'il convient, n'oublions pas que nous sommes actuellement à la croisée des chemins et qu'il est temps de sortir de notre mutisme de connivence et de retrousser les manches pour faire barrage à cette vague d'incurie et de marginalisation gouvernementales et à l'injustice de toutes les formes qui rend caduques les règles de l'équité et qui freine l'évolution de notre région et l'amélioration des conditions de vie de notre population qui ne mène pas la vie qu'elle mérite et qui est, certes, enragée par des dizaines d'années de colère et d'amertume qui la frappe dans sa chaire, dans ses sentiments, ses droits et sa dignité . D'ailleurs, je ne crois pas inopportun de souligner que tout intellectuel de chez nous qui se respecte, doit constamment se remettre en question, assumer et s'assumer car le respect ne s'impose pas mais il s'inspire…    

 

Question n° 12 :  Si vous aviez à faire une suggestion au président de la Commune rurale de Taguelft, que lui diriez-vous ?

 

 Réponse : Pour le Président actuel, je pense que c'est trop tard car son mandat touche à sa fin, mais je dirai d'une façon générale à tout Président, de tâcher surtout à ce que Taguelft et les bourgs avoisinants figurent au centre de ses préoccupations . Il ne doit pas agir au jour le jour selon les incohérentes sollicitations du court terme en se contentant d'apporter des calmants et des solutions éphémères, mais il doit élaborer une stratégie globale et introduire des réformes radicales pour désenclaver cette ruche humaine qui ne demande pas d'ailleurs trop . Je lui dirai également d'accentuer des efforts considérables pour améliorer les conditions de vie de cette pauvre population en la dotant des infrastructures de base et de veiller instamment à sensibiliser les « Ait Daoud ou Ali » et à rallier leurs rangs divisés par les retombées néfastes des sales élections . Il doit notamment, faire preuve de maturité pour ne pas s'engager sur la voie répressive qui mène inéluctablement à bafouer l'un des droits les plus élémentaires de la démocratie . Il doit aussi accepter l'opposition et la diversité des opinions car elles sont une source de richesse . Autrement dit, il doit veiller à assurer une homogénéité du conseil communal et à promouvoir le débat  sans faire recours aux pratiques révolues de jadis pour écarter et pour se débarrasser de tout membre qui ne partage pas son avis ou qui dérange, car cela est à mes yeux, une erreur stratégique majeure . C'est une décision qui puise son essence dans le raisonnement totalitaire qui ne tolère pas l'opposition et la nuance et qui rejette la différence . Dans ce cadre, n'oublions pas tous en derechef, que l'unité qui n'a jamais rimé avec l'unicité, puise sa force dans la diversité  . 

 

Question n°  13 : Pour certains, le développement de Taguelft passe obligatoirement par ce qu'on appelle le changement par le haut, des responsables actuels de la commune, qu'en pensez-vous ?

 

Réponse : C'est vrai que le changement doit venir toujours du haut, car, à mon avis, toute opération d'assainissement est semblable au nettoyage des escaliers d'un immeuble qui exige de commencer inéluctablement par la marche la plus culminante et non par la plus basse . Toutefois, on ne doit pas tenir les membres actuels de la commune rurale qui ne sont que de passage pendant un laps de temps, pour responsables des souffrances et des crises de la population et surtout du retard manifeste enregistré dans le développement de Taguelft au point que cela ne permet pas la stabilité propre à imposer de nouvelles règles de la vie décente . En effet et comme vous l'avez bien souligné, le changement doit effectivement venir du haut et je tiens à préciser dans ce cadre qu'il faudrait qu'il y ait notamment une volonté palpable du Makhzen qui est le vrai coupable en accentuant sans cesse, les disparités sociales et la paupérisation de nos populations et qui devait normalement inscrire la promotion de cette région agalacte dans le cadre d'une stratégie qui touche tous les aspects de la problématique en faisant essentiellement appel à des solutions globales et rapides pour assurer le développement escompté de cette région écrasée sous l'incurie, sous la prévarication et sous le fardeau du Makhzen, afin de redonner confiances à ses populations marginalisées depuis belle lurette, qui pataugent injustement à nos jours dans des crises pécuniaires énormes, qui sont incapables de rembourser leurs dettes, qui ne trouvent pas souvent de quoi se nourrir et de quoi nourrir leur cheptel et d'une manière générale, qui ne peuvent plus irréfutablement faire face aux exigences de la vie quotidienne et qui seront malgré elles acculées tôt ou tard, à se soulever violemment ou, le cas échéant, à abandonner leurs terres pour se rendre en ville en quête d'un emploi qu'ils ne peuvent trouver facilement ou, à se lancer en masse, à l'instar des autres, dans les eaux de mer en quittant leur mère pour tenter d'atterrir à l'autre rive afin d'échapper aux souffrances du colonialisme permanent déguisé en indépendance…    

 

Question n°14 : Quelles sont les solutions que vous proposez pour développer notre aimable village ???

 

 Réponse : D'abord, nous devons tous sensibiliser la population et notamment les électeurs pour veiller à proposer d'ores et déjà aux listes électorales, des personnes crédibles, compétentes et intègres, qui sont capables de mettre la main dans la main pour assurer une bonne gouvernance afin de donner un nouveau souffle à l'action communale et de hisser la gestion des affaires publiques au niveau des aspirations de la masse écrasée et acculée à l'écart . Nos présumés élus doivent alors savoir que Dieu ne permet que l'achat des bêtes et que tout homme acheté en est une . De ce fait, « l'achat » et « le vol » des élus au lendemain du dépouillement des résultats tels qu'ils se pratiquaient auparavant pour usurpation du siège de la présidence, est une erreur monumentale et un crime qui souille la chaire et l'honneur et qui paralyse l'activité communale au surlendemain . Dans cette optique, nos jeunes ne doivent plus objectivement tenir la position de spectateurs naïfs et doivent absolument apporter leur grain de sel à la marmite de la campagne électorale pour barrer la route aux loups revêtus de peau de mouton, aux prévaricateurs et aux usurpateurs . En effet, l'heure est à l'action sérieuse et concrète pour l'initiative de nos intellectuels notamment puisque l'INDH a enseveli à son tour, les intérêt vitaux de nos régions gâtées dans la misère et ce, au même titre que les gouvernements fantoches qui se sont succédés depuis la pseudo indépendance . Toutefois et pour ne pas être entraîné davantage dans cet axe sous l'effet pesant de la colère qui gronde au plus profond de mon âme, je tiens, bien que je ne sois pas expert en la matière, à donner quelques modestes propositions que j'estime nécessaires pour contribuer au développement de notre région :

-          Oeuvrer pour la résurrection de notre identité et de notre culture

-          Oeuvrer pour l'unification des rangs des différentes fractions de Ait Daoud ou Ali, car cette union constitue le ciment de leur entente et de leur force qui doivent être engagées pour extorquer du Makhzen, leurs droits légitimes trépignés par des pieds enduits de sang de perfidie et d'injustice ...

-          Elire au conseil communal des personnes qualifiées et intègres, soucieuses de l'intérêt général de la région et capables de relever le défi combien énorme !!

-          Encourager le terne tissu associatif à sortir de sa tanière pour s'ouvrir sur le monde extérieur notamment les ONG en quête d'une aubaine substantielle

-          Amélioration des techniques dans le domaine d'élevage et d'agriculture qui sont la base de l'économie tertiaire de nos populations  

-          Amélioration de l'infrastructure de base (routes, santé…) et œuvrer pour leur extension aux autres localités telles que Askar, Taghya, Tabarâit, Idemran, Ait Sidi Aziz …

-          Création des centres d'apprentissage de la couture pour les jeunes filles

-          Faire découvrir les différents aspects de la région

-          Développer le domaine culturel et sportif : dans ce cadre je suggère la création d'une maison des jeunes qui s'impose d'ailleurs avec acuité . Dans cette vision, pourquoi ne pas exiger dans le cadre de l'INDH, la cession bénévole à la commune, des locaux ONE de l'annexe à la Succursale de Ouaouizert, qui ne sont plus d'aucune utilité et qui se dégradent de jour en jour alors qu'il serait plus raisonnable et justifié d'ailleurs, de les exploiter pour des fins culturelles par nos jeunes qui tournent par monotonie au village comme des oiseaux en cage … 

-           Encourager la scolarisation et venir en aide aux élèves démunis par la contribution de la fondation Mohamed V à l'instar de leurs homologues des autres régions

-          Encourager la création des coopératives

-          Valorisation du potentiel touristique

-          Exiger la construction à proximité du village, d'un barrage sur oued Laâbid dont les plans ont été réalisés et finalisés dans le temps par les Français à l'ère du protectorat, qui sont empoussiérés et qui somnolent encore aux archives du Ministère qui n'a jamais songé à orienter du moins ses diapasons pour visiter le site à notre région  .

-          Exiger du gouvernement une subvention au profit de la commune en compensation des eaux de oued Laâbid et ses affluents de la région canalisées à Bin El Ouidane et dont profite la plaine à elle seule en matière d'irrigation en particulier … 

       

 

Question n° 15 : Enormément de travail nous attend sur le plan associatif où Ait Taguleft en sont tardifs, selon vous qu'elles sont les causes ?

 

Réponse : A ma connaissance, Taguelft compte plus de quatorze associations qui ont toutes semble-t-il, gardé le lit depuis le deuxième jour de leur constitution, à l'exclusion bien entendu, de celle des parents d'élèves qui est généralement présidée et dirigée à distance de manière invisible par télécommande des autorités locales qui ne ménagent pas le moindre effort pour barrer la route aux gens de principes et pour tuer dans l'œuf toutes les bonnes initiatives .  A mon point de vue, ces associations sont en majorité des cas fondées pour des fins purement politiques et sont présidées par les usurpateurs de sièges qui empruntent tous les sentiers possibles pour arriver aux postes de responsabilités afin de détourner pour s'enrichir illégalement à tout prix pour baigner dans l'ostentatoire de la bourgeoisie, et non à œuvrer dans ce tissu associatif pour tenter de réaliser le développement et l'amélioration des conditions de vie de la population, ce qui est d'ailleurs, leur dernier souci . En compendieux, tant que les serviteurs du Makhzen qui ne sont autres que ces traîtres et arrivistes mesquins, s'infiltrent et mettent la main dans la pâte de ce tissu associatif, il ne faut pas s'attendre à un élan et à une expansion socioéconomique et socioculturelle de notre région à base de ce tissu …

 

Question n° 16 : Pourquoi vous avez arrêté de composer la poésie en arabe ?

Réponse : C'est une affaire qui remonte à longtemps et il semble de ce fait que vous êtes bien informé de la cause génératrice . En effet, au début j'étais très brillant en arabe et j'adorais beaucoup la poésie de « Al Jahilia » au point que j'en composais dans le même style et du même talent . Mais, en toute sincérité, à l'issue de l'assassinat de mon feu frère Saïd, que Dieu ait son âme en sa sainte miséricorde, qui était à l'époque en troisième année de l'école Mohammedia des ingénieurs à Rabat, j'ai détesté les arabes et tout ce qui est arabe au point que j'ai ainsi pris une ferme décision pour divorcer une fois pour toutes, cette poésie arabe et croyez moi que cela n'est pas une question de racisme .  

 

Question n° 17: Pourquoi cet intérêt pour la culture Amazighe ?

 

Réponse : Parce que c'est un devoir et point c'est tout . Mais pour que ma réponse ne soit pas abrupte, je tiens à dire pour plus de précisions, que cet intérêt est manifesté à l'égard de Tamazighte parce que j'estime qu'il est temps pour nous tous de parler sur un ton ferme pour que le gouvernement qui s'ingénie à enfermer notre langue et notre culture dans un cercle de duperie folklorique, se rende bien compte du fait que, si dans le passé, nos ancêtres qui n'ont jamais reçu autre chose que perfidie et trahison et qui ont plusieurs fois défendu vaillamment des causes qui n'étaient pas forcément les leurs, nous sommes aujourd'hui plus que jamais, décidés à assumer consciencieusement notre responsabilité à l'égard de nous-mêmes, pour s'affirmer en tant que peuple et nation et ce, bien entendu, nonobstant que nous remarquons hélas, que parmi les nôtres, il y a des arrivistes qui se font souvent à leur insu, les fossoyeurs enthousiastes de notre identité …    

 

Question n° 18: Quel bilan donnez-vous à la réalité des Ait Daoud ou Ali depuis la fin du 19ème siècle ?

 

Réponse : D'emblée, j'estime inutile de parler du bilan en matière d'infrastructure de base telles que routes, santé, éducation etc… dont les réalisations depuis un demi siècle d'indépendance sont palpables et notoires et ne répondent en aucun cas aux attentes de la population . Je préfère toutefois accentuer mon point de vue sur le bilan afférent à la dégradation énorme des mœurs de la Tribu des Ait Daoud ou Ali et ce, malgré notre religion et ses commandements . Il est d'ailleurs incontestable que nous nous trouvons chaque jour devant des phénomènes fâcheux qui touchent profondément à la morale, à l'éthique, à la culture, à la langue des Ait Daoud ou Ali qui ensevelissent leur identité dans le linceul de l'incurie et de l'oubli et l'inhument dans la tombe creusée par leurs propres mains . Cette question relative au bilan est posée par le fils du bled qui s'est donné par amour comme pseudonyme "Tinegarf", mais à votre avis, où est Tinegarf, non pas le plateau verdâtre, mais plutôt la fête que commémoraient les Ait Daoud ou Ali au bon vieux temps au point que cela avait une incidence bénéfique sur leur économie et sur la connaissance de la région par le monde extérieur ce qui revêt sur le plan touristique un caractère capital? Dans cette même optique:

  • où est Takhamt qui est remplacée par Takhouzant
  • où est ayiss symbole de bonheur, qui est remplacé par Aghyoul synonyme du paupérisme et des malheurs
  • où est Tassabniyet qui est remplacée par le foulard
  • où est Tahandirt qui est remplacée par Talmitta ou Lizar
  • où est Ahidous qui est remplacé par les groupes
  • où est Tamandilt ornée de tifinnagh qui est remplacée par un torchon
  • où est Choukt qui est remplacée par Takchita
  • où est Tiswit de cotisation à titre de cadeaux dont la participation individuelle n'est pas identifiée, qui est remplacée par la criée "Tsahl"
  • où sont passés les hommes au vrai sens du mot, dont les rôles sont remplacés par ceux des femmelettes .
  • où sont passées les belles relations de fraternités et d'entraides(Tiwizi) entre les citoyens qui sont transformées aujourd'hui en querelles et disputes gratuites, au point que les frères se battent entre eux et que les gens se haïssent et s'entre-tuent pour des futilités et pour des raisons vaines généralement d'ordre électoral, orchestrées malheureusement en majorité des cas par nos intellectuels qui sont normalement les premiers appelés à rallier les rangs de la Tribu

 suite de l'entretien....



26/07/2008
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